samedi 31 mai 2008

Orchestre mécanique

Le long des nationales, certains cafés accueillaient les autocars. Au fond de la salle jouait parfois un orchestre mécanique.

Des excursions, je garde tout de même ce souvenir émerveillé.
Kitch au possible, tout en cuivres, en ors et en rouges. Jouant une musique imbuvable avec une froideur presque militaire. Et pourtant, l’orchestre mécanique nous fascinait. On l’aurait cru vivant. Et nous tentions de devenir, de suivre simplement, l’intervention de chacun des instruments. Assourdis par leur boucan, nous nous éloignions pas d’un pas tant que la bête ne s’était pas définitivement endormie.

vendredi 30 mai 2008

Nénène

Dis bonjour à Nénène ! Donne une baise !

Nénène, ce devait être la marraine. A moins que ce ne soit la grand-mère. Ou bien un peu des deux à la fois.
Mais pour moi, c’était juste pour les idiots.
Oma, Nénène… Comme s’ils ne pouvaient dire marraine, grand-mère, bonne maman, tante ceci, tante cela.
Mais non, nénène plutôt : un nom plein de menaces… de moustache qui pique, de peau ridée, d’odeur de vieille et de dentier.
Car la nénène était nécessairement vieille, laide, ridée et acariâtre… La nénène était comme une plante carnivore, qui se fait belle pour attirer l’insecte, mais qui ne renferme que des liquides nauséabonds et toxiques. La nénène essayait, désespérément, d’étreindre des enfants… espérant qu’un jour un peu de leur jeunesse, beauté, de leur odeur encore fraiche, lui resterait au terme de cette étreinte.
Mais ce nom – presque sympathique – sentait trop le piège. Et aucun enfant ne s’y est jamais laissé prendre.
Les nénènes sont condamnées à jamais…

jeudi 29 mai 2008

Machine à coudre

Fasciné par la course de la courroie, le va et vient du pédalier, il y avait autant à voir sous la machine à coudre qu’au dessus.

Les tables de machine à coudre font aujourd’hui office de tables de restaurant ou de bar. Leur pédalier, à jamais figé, ne permettra plus jamais de coudre chemises, robes et manteaux. De réparer les accrocs, inévitables, à ces vêtements que nous avions déjà hérités de nos frères, que nous léguerions à ceux qui nous suivaient, à moins que ce ne soit à l’un ou l’autre cousin.
La machine Singer trônait dans pas mal de maisons. Electrique, souvent. Le progrès était passé par là. Mécanique parfois. Elles faisaient pratiquement le même bruit. Ce ronronnement obsédant de l’aiguille, le chuintement du tissus qui avance, parfois le claquement sec de l’aiguille qui casse.
Mais coudre était aussi comme une cérémonie, un rituel et une atmosphère. Le silence et l’ordre se faisaient. Les ciseaux coupaient, taillaient. Les aiguilles, les sabots, les tournevis s’entrechoquaient. Prenaient chacun leur place. Et quand le ronronnement se faisait entendre, c’était comme assister à une naissance. Les pièces informes s’assemblaient une à une en un vêtement qui, le lendemain au plus tard, ferait se retourner les voisines.

mercredi 28 mai 2008

LEM

Le LEM (module d’excursion lunaire) était une sorte de drôle d’insecte…

Pardonnez du peu, c’était il y a presque 40 ans, entre 69 et 72. Les hommes se promenaient sur la lune… Qui a dit que le temps signifiait nécessairement le progrès ?
Nous, on l’a vu à la télévision. On en a rêvé. On en a fait des bricolages. Des élocutions.
Le LEM, dans sa fragilité, témoigne d’une sorte d’arrogance insouciante.
On allait sur la lune à bord d’un bidule aux pattes d’insecte. Les astronautes sautaient comme le capitaine Hadock dans Objectif Lune. La télévision n’était même pas en couleur. Pour la couleur, il fallait acheter Paris Match. C’était extraordinaire, mais c’était aussi normal… Tout était possible. Et d’ailleurs, ce serait bientôt l’An 2000… Et que d’ailleurs, en l’An 2000… ou en 2001 au plus tard…
Et, bien sûr qu’il y a eu des drames (Apollo 1) et du suspense (Apollo 13), et de la musique dramatique de Strauss (Ainsi parlait Zarathoustra). Mais au bout du compte, on s’y est habitué. Et la lune est devenue comme une lointaine banlieue des Etats-Unis.
C’est bizarre que, 36 ans après, personne n’y soit retourné !

mardi 27 mai 2008

Karaté

Le karaté n’existait pas ! Il y avait bien le judo, que certains continuaient à appeler jiu jitsu… Alors que d’autres, nostalgiques d’un temps révolu, parlaient encore de savate et de boxe française…

Pour donner des coups, il y avait la boxe.
Pour éviter d’en recevoir, le judo, et la course à pieds !

lundi 26 mai 2008

Jeunes

Les jeunes n’étaient alors, ni un problème, ni une question…

Question d’habitude peut-être. Quand, depuis l’âge de cinq ou six ans, du matin au soir, nous courrions les rues, les champs et les bois sans surveillance. En bande le plus souvent. A douze ans, question de bêtises, nous les avions souvent presque toutes faites. Mis le feu à une lande ? Marc l’avait fait. Juste pour voir. On a vu. Bloqués dans une grotte ? On devait être sept ou huit. Pas longtemps. Mais assez pour ne plus y retourner. Et surtout ne pas le raconter à nos parents.
Alors, franchement, shooter dans une poubelle ou y mettre le feu. Briser les vitres d’une aubette de bus ou écrire son nom à la peinture sur les murs. Arrivés à l’adolescence, nous avions autrement plus de créativité que ça ! Et bien moins de désespoir !

dimanche 25 mai 2008

Immigrés

Immigrés, encore un nouveau mot. Je n’ai personnellement jamais entendu parler que d’Italiens, plus tard de Turcs, de quelques Marocains peut-être.

Et pourtant, quelle différence ?
A quel moment les Italiens, Turcs, Marocains, Congolais, sont ils devenus des immgrés ? Et pourquoi certains d’entre eux seulement ?
D’ailleurs, on a, à lontemps, uniquement parlé de « travailleurs immigrés ». A quel moment les immigrés ont-ils cessé, dans la tête des gens, d’être des travailleurs ?
Et vont-ils, comme en Flandre et aux Pays-Bas, bientôt devenir des « allochtones » ? Tout juste comme les barbares des empires grecs et romains ?

samedi 24 mai 2008

Historia

S’il y avait Tintin et Spirou, il y avait aussi Artis et Historia.

Nous on était Artis.
Mais, franchement, si vous voulez faire tourner la machine à remonter le temps, allez regarder les albums Historia.
Historiques, évidemment. Avec tous les rois, les reines, les hommes de Cro-Magnon et tout le tintouin… Pas en photo, évidemment. Le tout en vignettes soigneusement dessinées, comme pour fournir au bon élève la touche finale qu’il lui manquait encore pour mettre en scène les faits du temps jadis.
Clovis brise le vase de Soisson… et puis la tête de l’idiot qui l’avait volé. La vignette est prise juste entre les deux actions… on sent que le coup va venir. Qu’il va y avoir du sang. Beaucoup. Mais, on reste propre. On reste digne. L’histoire n’est pas une branche de la boucherie ou de la médecine à crane ouvert !
Les vignettes Historia étaient déjà vieillies quand j’étais un gamin. Mais, étonnement, elles n’ont pas vieilli depuis !

vendredi 23 mai 2008

Gaine

Les femmes d’alors avaient de ces coquetteries ! La gaine par exemple…

Ca leur améliorait la silhouette, probablement. Pour celles chez qui il était possible d’améliorer quelque chose en tout cas, ne parlons pas des cas désespérés.
Mais franchement, sur un fil à linge, ça faisait son petit effet.
La couleur d’abord. Rose, toujours. Couleur chair prétendait certainement sa propriétaire. Mais chair de quoi ? En fait, c’était rose cochon, sans aucun doute ! Chair de cochon.
La texture ensuite. De ces tissus élastiques que l’on imaginerait venus d’Allemagne de l’Est, voire de plus loin dans les profondeurs communistes. Dont il sera toujours impossible d’imaginer la manière dont ils ont pu être fabriqués. A moins qu’ils ne poussent à l’état naturel sur le dos de certains reptiles inconnus chez nous.
La gaine, c’était l’attribut des grosses et des moches !

jeudi 22 mai 2008

Feu Vert

Feu Vert, c’était Jacques Careuil, et Jacques Careuil, c’était Feu Vert !

Bon, il y avait André Rémy aussi, mais, Jacques Careuil, lui, avait une voix… inoubliable. Inimitable.
Feu Vert, c’était le jeu télévisé pour les enfants, le mercredi après midi. Des questions de connaissances. Des épreuves physiques. Des trucs inimaginables aujourd’hui dans leur élémentaire simplicité. Des chanteurs aussi : Robert Cogoi, Jean-Claude Darnal, Joe Dassin étaient abonnés de l’émission.
A vos marques, c’était pour les plus grands. Ceux de l’école secondaire. Des vieux, somme toute.
Il n’y avait pas grand monde pour manquer notre Feu Vert hebdomadaire.

mercredi 21 mai 2008

Emballage

Du plastique à la place du carton… ou bien alors plus de carton. Beaucoup plus. Les emballages ne sont plus ce qu’ils étaient.

J’en sais quelque chose, pour en avoir tant et tant manipulé. Dans l’épicerie d’en face d’abord, où j’ai parfois donné un modeste coup de main quand j’étais gamin. Du plastique, il y en avait bien peu. Jamais pour tout dire. Du carton, oui. Beaucoup. Ou plutôt, partout. Mais, juste assez. A la limite de la fragilité, de la rupture. Du papier aussi. Au risque de la déchirure.
Du plastique ? A peine. Jamais, je crois ! Je ne m’en souviens plus en tout cas. D’ailleurs, c’eut été impossible pour bien des denrées. Le plastique sentait mauvais ! Il était donc exclu pour toutes les denrées alimentaires. Trop cher probablement pour tout le reste.
Du carton donc. Et pas de ce carton coriace d’aujourd’hui.
Il me semble me souvenir qu’il était alors doux au toucher. Que le déchirer était une sorte de plaisir pour les doigts. Dur autour… doux à l’intérieur. Comme s’il s’était agi de deux matières différentes.

mardi 20 mai 2008

Deux parents

J’ai beau chercher… Sans exception, tous mes copains avaient deux parents !

Il y avait bien l’habituel et inévitable fils de la veuve, dans chaque école. Bon élève, toujours. Bonne mère, toujours aussi.
Sinon, c’était monotone. Papa, maman, le ou les enfants. Pas le moindre enfant de divorcé dans les rangs. Aucun de ces voyageurs qui auraient passé une semaine chez papa et sa nouvelle femme, une chez maman et son nouveau mari.
Tout juste des familles lisses, apparemment propres sur elles, sans problèmes ni états d’âmes.
Et s’il y avait bien l’un ou l’autre divorcé dans la ville, cela faisait bizarre… très… Comme un bouton au milieu du visage ou un nid de poule au milieu de la route.
Les temps ont bien changé depuis !

lundi 19 mai 2008

Café vert

Dans une réserve, un sac entier de café vert, qui attendait depuis la guerre de Corée d’être enfin torréfié et ne le serait jamais.

Le café vert et le sucre, sans doute les dernières denrées à avoir été stockées par les Belges, en quantités déraisonnables.
Déraisonnable, c’est le mot. Réaction instinctive de cette part de la population qui a connu les pénuries, les restrictions, les tickets de rationnement.
Réaction bizarre pour nous, qui ne penserions pas nécessairement au café ou au sucre, dont nous n’avons jamais manqué. D’un autre temps aussi, car, qui aujourd’hui serait encore en mesure de torréfier son propre café ? et – mal - torréfié, qui a encore à la maison un moulin à café ?
Réaction contre-productive enfin puisqu’elle contribue elle-même à la pénurie.
Et pourtant… imaginez-vous ce qu’il se passerait si, à l’instant, l’alimentation électrique de toute la Belgique venait à être coupée durablement – disons 1 mois, pour ne pas exagérer dans le catastrophisme - ? Ne seriez-vous pas heureux d’avoir, quelque part, une vingtaine de kilos de sucre, ou ce sac de café vert datant de la guerre de Corée ?

dimanche 18 mai 2008

Bille de chemin de fer

Bille de chemin de fer. Nom féminin. Actuellement a) Objet en bois qui sert à décorer les jardins et n’a jamais vu passer un train b) Objet en béton qui sert à porter les voies. Jadis : un objet en bois qui servait à porter les voies… et n’avait jamais vu un jardin

D’accord, c’est pratique. Bien utilisé, on peut dire que c’est beau, à défaut d’être élégant. En tout cas, c’est solide.
Mais il en va de la bille de chemin de fer comme de la roue de charrette encadrée dans le mur des fermettes. Les véritables ont disparu… mais le marché en demande encore et toujours. La bille de chemin de fer sauvage, ayant vécu l’aventure du rail, subi les intempéries, et ayant été abreuvées de tous les produits les plus toxiques, a donc disparu. On ne livre plus donc, en jardinerie, proprement empaqueté et raboté, traité aux produits respectueux de l’environnement et sans dangers pour les enfants, que le la bille de chemin de fer d’élevage, qui n’imagine même pas les grands espaces et la vibration de boggies… ne rêvera jamais de liberté que face au gazon trop soigné et trop vert de nos villas.

samedi 17 mai 2008

Amateur

Professionnalisme et publicité semblent aujourd’hui être les piliers du sport de compétition. L’amateur, juste une sorte de comique, qui n’arrivera jamais à rien de bon (passer à la télévision)… ou pas longtemps…

D’ailleurs, amateur est devenu une sorte d’injure… et – au masculin en tout cas – un professionnel, c’est bien, c’est beau, c’est grand… et c’est cher ! Mais ça vaut son prix, quand on voit les problèmes qu’on a après avec les amateurs…
Mais je m’éloigne de mon sujet. Le sport.

Peut-on aujourd’hui se souvenir d’un temps pas si éloigné – 20 ans à peine – où seuls les amateurs avaient accès aux jeux olympiques, et où les « étudiants » américains et les « militaires » soviétiques raflaient toutes les médailles.
Mais, même comme cela, le sport avait encore quelque chose de frais, d’innocent et d’accessible. Les stades et les corps des athlètes n’étaient pas le patchwork de publicités qu’ils sont devenus aujourd’hui. Les courts de tennis n’étaient pas le lieu d’un défilé et de changement de mode permanent. Les cyclistes ne ressemblaient encore ni à des clowns ni à des oiseaux exotiques, bariolés de toutes les couleurs.
Ils ne roulaient ni en Porsche, ni en Ferrari.
Et même s’ils se dopaient – sans aucun doute – ils ne trainaient pas derrière eux leur spécialiste de la remise en forme à coups de médications normalement utilisés dans le traitement du cancer (EPO), dans les opérations chirurgicales (transfusions sanguines) pour ne parler que des plus remarquables. Ils n’étaient pas non plus tous, subitement, atteints d’asthme.
Finalement, l’amateurisme avait du bon !

vendredi 16 mai 2008

Standard champion

Se pourrait-il que revienne le temps où un match Standard Anderlecht signifierait encore quelque chose ? Pendant 25 ans, personne n'aurait parié 1 centime sur cette idée.

Le monde nous semblait coupé en deux.
D’un côté nous, les bons, les rouges. Les Wallons, les liégeois. Enfin, ceux dont le cœur battait, plus ou moins, et de moins en moins, pour le Standard de Liège. N'aurait en tout cas battu pour aucun autre club.
De l’autre, les autres. Les mauvais. Les Bruxellois et les Flamands réunis (d’ailleurs, un Bruxellois n’était au mieux qu’une sorte de Flamand en un peu plus stupide, au pire une sorte de Parisien en plus arrogant s'il était possible, toujours aussi affublé d'un ridicule accent - pas comme nous ! -). De ceux qui arboraient une couleur du plus haut ridicule : le mauve que seuls les curés portaient lors de certaines cérémonies ! En bref, des crétins qui croyaient qu’Anderlecht pourrait l’emporter.
Et il est vrai que les autocollants sur les voitures se sont faits plus discrets pour le Standard… qu'ils se sont faits plus rares, qu’ils ont terni ensuite et que finalement les voitures qui les portaient sont parties à la casse, rarement remplacées.
Que Liège ne fut bientôt plus ni le centre du monde, ni celui du football wallon. A peine celui du cinéma des frères Dardenne - avant celui grotesque, pitoyable et éthylique du ministre Daerden -. Mais ni Rosetta, ni aucun des héros des romances des deux Liégeois n'ont jamais arboré le rouge et blanc...
Et certains d'ailleurs s’étaient mis à regarder au loin, et vers Mouscron – mais est-ce vraiment en Wallonie ? – et Charleroi.
Mais bon, ça fait du bien de voir les Liégeois - ne fût-ce qu'un jour - au sommet à nouveau. Ca nous rajeunit un peu.
Mais sans aucune illusion sur les nouvelles vexations que le futur nous réserve ! Pour vingt-cinq ans à nouveau ?

jeudi 15 mai 2008

Expo 58

57 a beau faire la fière avec sa récolte de vin que l'on dit exceptionnelle, tout le monde ne se souvient que de 1958 et de l’expo !

Vous en avez marre de l’expo 58 ? Vous n’entendez parler que le l’expo 58 ?
Et vous vous croyez unique ? Et vous ne vous rendez pas compte que, pour vous, ça ne date que de quelques mois ? Alors que pour moi, ça fait 50 ans (presque) que ça dure !
Oui, je le sais, j’ai visité l’expo 58 dans le ventre de ma mère. Merci de me le rappeler.
Et oui, on me l’a rappelé quelques fois… et si on oubliait de le faire, la boite de boutons qui trônait sur la table de couture, suffisait à m’y faire penser. Encore et encore à cause de cet Atomium qui trônait au centre, entouré d’une série de vignettes dont j’ai oublié le sujet (étaient-ce des inventions modernes ou bien des évocations de capitales).
Peu importe, ne me parlez plus de l’expo 58. On se souvient tellement d’elle et si peu de ma naissance que j’en suis (un peu) jaloux !

mercredi 14 mai 2008

Pouhon

Sentant le souffre et la rouille, c’était le pouhon. Certains en buvaient l’eau. Prétendant lui trouver des vertus médicinales.

On ne connaissait pas le pouhon Pierre le Grand - trop snob, trop historique, trop spadois -. Tout juste le pouhon des îles, en Outrelepont., non loin de la fontaine Saint Quirin.
De temps en temps, un - vieux - vélo s’arrêtait. Une vieille ou un vieux - aussi vieux que le vélo - en descendait, chargé de bouteilles. Les bouteilles remplies, le vélo repartait.
Serait-ce donc là le secret de la longévité et de la vitalité de ces cyclistes ? Et un peu de rouille absorbée aurait-elle fait disparaître celle qui normalement aurait bloqué leurs articulations de vieillards ?
J’en doute. Mais ils le croyaient ! Et continuaient de pratiquer ce rituel étrange.

mardi 13 mai 2008

Herisson

Certains soirs de chaleur, notre père nous emmenait à la chasse au hérisson…

C’est que la veille le plus souvent, avec ma mère, il s’était promené en voiture, et avait rencontré l’un ou l’autre de ces sympathiques animaux. La chasse serait bien pacifique…
A huit dans l’Ami 6 (et l’Ami 8 par après) break. Le père et la mère devant. Trois enfants sur la banquette arrière. Et trois encore dans le coffre, le regard tourné vers l’arrière. Il ne nous fallait pas bien longtemps pour faire une rencontre. On dirait que les hérissons nous attendaient. Et que les plus gros semblaient les plus assidus.
Nous pouvions alors caresser notre prise… tenter de le porter… Essayer d’éviter la piqure en le manipulant avec une ou deux couches de vêtements. Mais rien à faire. Un hérisson, ça pique.
Puis nous le laissions. Faisions le chemin de retour et plongions sous les couvertures.
Nous n’aurions pas fait de plus beaux rêves si nous avions vu tous les films de Disney ou passé notre journée sur tous les manèges du monde !

lundi 12 mai 2008

Ligustrum

Autour de chaque jardin, une haie de ligustrum.

Jardin est un bien grand mot pour ces quelques mètres carrés de gravier. Ce ridicule parterre de fleurs aussi assoiffées que de mauvais goût. Tagettes, dahlias, chrysanthèmes même. C’était à qui exhiberait les plus hideuses floraisons.
Et pour bien marquer la limite de la propriété, une haie de troène.
Et si aujourd’hui lorsqu’une tondeuse à gazon démarre on dirait qu’elle réunit ses voisines comme les cerfs le font au brame, à l’époque le clic-clac des ciseaux à haie d’une seule maison suffisait à raviver les humeurs tranchantes de tous les mâles du quartier. Qu’un seul brin dépasse, c’eut été la honte. Que le profil de la limite végétale ne soit pas tiré au cordeau, le pire était à craindre : l’exil dans les colonies – voire plus loin -, le hara-kiri au taille haie, l’alcoolisme ou la démence…
Le taille haie électrique n’y a pas changé grand-chose. Semaines après semaines, chacun surveillait sa haie, épiait celle du voisin… y mettait au moins autant de soin qu’à sa propre coiffure, et bien plus d’attention qu’à la permanente de l’épouse.
Mais qui aujourd’hui a encore une haie de ligustrum ?

dimanche 11 mai 2008

Jupon

Sous la jupe, le jupon ou la combinaison. Aucune femme de bonne moeurs ne serait sortie moins vêtue.

Coquetterie ? On ne montrait pas le jupon, encore moins la combinaison. Pas à moi du moins. L’hypothèse me semble peu sérieuse.
Frilosité ? Les hommes portaient chemisette, chemise, pull, les femmes n’avaient pas nécessairement toutes ces couches. Pour la saison fraiche en tout cas, cette idée n’est pas déraisonnable.
Pudeur ? Renforcer l’opacité des vêtements en général à une époque où les formes ne se devinaient pas… et donner encore un peu de répit au corps qui se révèle au moment du déshabillage… Ca tient la route.
Economie et hygiène ? Et pourquoi pas tout simplement une manière supplémentaire de garder ses vêtements propres plus longtemps. On ne se changeait pas tous les jours… on se changeait d’ailleurs le moins souvent, tant la lessive était une tâche pénible. Alors, finalement, le jupon, la combinaison, ne seraient-ils que des substituts à trop de lessives répétées ?

samedi 10 mai 2008

Hospice

Résidence pour personnes âgées, home pour vieillards, séniorerie, maison de convalescence, centre gériatrique… tant de désignations politiquement correctes pour désigner l’hospice !

Quand un vieux était vraiment trop vieux, qu’il n’avait plus de famille pour s’occuper de lui, ou qu’il était devenu trop difficile de le faire, on le mettait à l’hospice.
Une sorte d’asile – au sens d’abri – pour ceux qui avaient vécu trop longtemps. On les voyait de la rue, marcher dans un jardin rachitique. Ne jamais trop s’éloigner de la protection des murs, comme s’il leur était poussé un nouveau cordon ombilical, qui progressivement rétrécissait, les ramenait dans la matrice de l’hospice, avant de finalement les retourner à la terre.

vendredi 9 mai 2008

Week-end

Il parait que le terme week-end est d’usage depuis le début du 20ème siècle. Bizarre, là j’ai comme de sérieux doutes.

Désignant le samedi et le dimanche, cela ne m’étonnerait pas qu’il soit bien plus récent en Belgique.
Car nous allions bien à l’école le samedi matin, jusqu’en 1974 au moins. La crise pétrolière nous en a chassé le samedi, et le ministère a finalement trouvé que cela n’était pas une trop mauvaise solution.
Restait que nos parents travaillaient encore le samedi… et qu’il n’était donc pas question - en aurions-nous même eu les moyens - de se faire un « week-end » à la mer, du vendredi au dimanche soir comme aujourd'hui. Cela est venu quelques années plus tard. Et là aussi, tout le monde a trouvé cela normal.
Alors, parlait-on de week-end avant cette époque ? J’ai bien l’impression que non !

jeudi 8 mai 2008

Veaux de mars

Pluie, soleil, puis neige à nouveau… un temps bien de saison pour les veaux de mars.

Dites donc giboulées de mars si cela vous plait, en mars je préfère penser à ses veaux. Veaux de Mars faudrait-il d’ailleurs écrire, s’agissant - paraît-il - d’une référence à une légende concernant le Dieu de la guerre. Mais peu importe.
Spectaculaires et imprévisibles, comme peuvent l’être les orages en été. Un quartier sera touché, une ville, et pas leurs voisins. On sort léger vêtu, comme pour profiter d’un ciel qui se met au grand beau… et voilà qu’on se retrouve dans une ambiance polaire.
C’est ce que j’adore dans notre météo pourrie. En plus d’être – soi-disant – pourrie, elle est imprévisible. Alors, en mars, je suis heureux !

mercredi 7 mai 2008

Gruau

On ne mangeait ni flocon d’avoine ni quaker, mais bien du gruau d’avoine.

En fait, je croyais que c’était la même chose, mais il semblerait que le gruau désigne (aussi) le grain entier ou bien très sommairement traité. Mais peu importe, puisque pour ma part je n’en mangeais pas, et ne pourrai donc jamais dire comment cela se préparait.
J’aimais seulement le nom. Tellement rustique que plus personne ne l’utilise aujourd’hui. Il disait les repas copieux de la campagne. Le lait chaud avec de la peau dessus - que je détestais aussi... mais que je ne peux m'empêcher de tenir pour un élément important de toute enfance de ces années là -. Et cette sensation bizarre d’avoir très chaud d’un côté (celui du poêle ou de la cuisinière) et si froid de l’autre (celui du mur ou de la porte).
Un nom qui dit aussi une époque où les choses portaient un nom plutôt qu’une marque !

mardi 6 mai 2008

Tendeurs

Les amis des oiseaux, cercle ornithologique, que cela semble bien gentil, alors qu’il s’agit de vulgaires tendeurs !

Un tendeur, c’était quelqu’un qui capturait les oiseaux pour les mettre en cage. Chardonnerets, bouvreuils, pinsons, tarins, linottes, serins, et d’autres espèces plus rares faisaient les frais de ce sport et commerce.
C’était autorisé, bien sûr… mais tout ne l’était pas, et certains prétendaient qu’il s’agissait là de la chasse du pauvre. D’une forme avancée de la lutte des classes. Et que s’ils étaient par hasard – bien rare – poursuivis, c’était en vertu de leur condition de prolétaire. Et que ces messieurs les chasseurs, eux, pouvaient se permettre ce qu’ils voulaient, parce que, eux, auraient des relations… et patati, et patata…
Mais au bout du compte, les tendeurs faisaient à peu près ce qu’ils voulaient. Capturaient des oiseaux aux périodes interdites… avec du matériel interdit (pas seulement au trébuchet mais aussi avec les fameux filets japonais) et emprisonnaient des espèces interdites.
Je me demande seulement ce qu’ils sont devenus, tous ces tendeurs. Je les vois mal reconvertis en collectionneurs de timbres… et je m’inquiète !

lundi 5 mai 2008

Siege en bois

Les voitures de troisième classe avaient des sièges en bois.

Eh oui, les trains avaient jadis trois classes. La première, à laquelle on n’accédait jamais, sauf pour passer dans la voiture voisine; et avec l’impression - ou la certitude - que notre seule présence gênait ces messieurs dames. La seconde, pour tout le monde, enfin, les gens normaux, comme vous et moi. La troisième enfin pour … je ne sais pas qui. Je ne savais même pas qu’il y avait des billets de troisième classe, qui auraient peut-être pu coûter moins cher que nos billets réduction famille nombreuse, mais en tout cas, il y avait des voitures de troisième classe.
Rustiques au possible, mettant à mal nos fessiers. Reliques sans doute d’une autre époque, pas si lointaine, où des flots d’ouvriers prenaient le chemin de fer pour se rendre au travail. Qui n'auraient pas besoin de plus que du bois, eux qui en avaient vu d'autres...

dimanche 4 mai 2008

Renault 4

Une Renault 4 surmontée d’une grande antenne ? C’est sûrement la BSR !

Jeune et sympathique, la Renault 4.
Est-ce par volonté de camouflage que la BSR (Brigade spéciale de recherche) l’avait aussi choisie ? Probablement. Mais avec tout le génie que nos pandores pouvaient alors mettre dans cette opération.
Une antenne CB de deux mètres sur le toit… Deux agents – comme les Dupondts de Tintin ou des frères siamois -, inévitablement moustachus et affublés d’un imperméable gris, c’est bien là qu’on voyait que notre Etat policier avait quelques failles. Ils ne paraissaient ni efficaces, ni méchants !

samedi 3 mai 2008

Fourgon a bagages

Quand on partait en vacances en train, les bagages voyageaient dans le fourgon.

Pour l’avion, tout le monde trouve cela normal. On embarque léger. On ne s’encombre pas de tout un fatras de valises à trainer dans les couloirs et sur les rampes d’embarquement. Plus ou moins confiant, on se dit qu’il n'est pas nécessaire de garder un œil sur ses bagages pour qu’ils arrivent à destination.
Pour le train, c’était un peu la même chose. Arrivé sur le quai, un rapide passage à la dernière voiture, et l’on confiait ses bagages pour la durée du trajet. A destination, nouveau passage vers le fourgon pour récupérer ses valises et ses malles.
D’ailleurs, avec la fin de ces envois par train ont disparu les étiquettes qui agrémentaient les bagages de ceux qui avaient beaucoup voyagé. Ils servent encore d’accrochage visuel sur certaines publicités… restent associés à l’idée de villégiature… mais, comme la locomotive à vapeur – elle aussi surreprésentée – ils ont disparu de notre paysage.

vendredi 2 mai 2008

Par avion

By airmail: Il y avait bien de la magie dans une lettre par avion !

Quand on la recevait, c’était un plaisir tout particulier. Avant de la toucher, la couleur d’abord : bleue, parfois bordée d’une frise alternant le bleu, le blanc et le rouge. Tous les autres courriers étaient blancs, bruns à l’occasion. Bleu, signifiait par avion.
Posée sur la main, son poids ensuite : celui d’un papillon, d’un colibri. Celui d’un souffle de vent peut-être.
On regardait alors l’adresse de l’expéditeur, ou le timbre. On regardait les deux. Elle venait sûrement du Congo, ou bien du Zaïre, ou bien du Congo à nouveau, plus tard… Elle venait de loin toujours.
D’un coup de couteau de cuisine (de ceux qui coupent bien plus finement que nos couverts de table), la lettre était ouverte, avec précaution pour ne pas déchirer le précieux contenu. Un feuillet, deux parfois, de papier par avion. Bleu aussi. Fin comme du papier bible. Couvert d’un seul côté d’une écriture appliquée de religieuse ou de missionnaire, de celle passionnée de l’explorateur ou de l’aventurier, molle du colon attardé ou de l’épave alcoolique - mais ceux-là, c'est vrai, n'écrivaient jamais ! -. Disant des nouvelles d’il y a longtemps déjà. Des jours nécessairement. Des semaines souvent. Des mois parfois, tant le monde était plus grand alors qu’il ne l’est aujourd’hui.
Lue, relue, précautionneusement rangée, la lettre avait apporté son lot de rêve. On tentait d’imaginer le là-bas… On se faisait son petit cinéma personnel sans même imaginer que les choses pourraient être bien différentes de ces rêves éveillés.
Il serait bientôt temps de s’y mettre soi même. Une enveloppe bleue. Une ou deux feuilles de papier par avion. Et de tenter à notre tour d’offrir à notre correspondant un peu de ce plaisir que nous avons ressenti …

jeudi 1 mai 2008

Hostie

A genoux. En rangs d’oignons. Les fidèles attendaient leur tour. Tendaient la langue, fermaient les yeux, fermaient la bouche sur l’hostie… Dieu ne pouvait qu’exister (à l’époque ! J’avoue ne pas avoir suivi son parcours récent et tout ignorer de ce qu’il est devenu depuis), tant l’expérience était divine… plutôt que particulièrement agréable.

Mais halte là… je parle bien de la vraie hostie ; l’hostie en hostie. De cette pâte fine et blanche. Sans aucun goût, dont on emballait aussi les poudres sûres et qui recouvrait certains biscuits. De celles qui étaient si fragiles qu’il fallait les doigts experts du curé pour les manipuler sans leur faire de mal.
Comment, vous ne le saviez pas ? On ne pouvait pas mordre sur l’hostie. Sinon elle pouvait saigner !
Surtout pas de ces nouvelles choses qui sont venues par la suite, sous prétexte d'authenticité et de proximité avec l'expérience du Christ. Grosses, vulgaires, brunâtres… goûtant et sentant le vieux, le renfermé, le pas propre… Que même la grand faim que nous avions ne pouvait pas nous faire trouver appétissantes…
Serait-ce la vraie raison pour laquelle les églises sont vides de nos jours ?